Cours n° 4


Après 1945, la fonction de l’orientation change. Alors que dans la période précédente, elle se situait l'interface de l’école primaire et du marché du travail et/ou de la formation professionnelle, désormais, elle devient une fonction du système scolaire. L'orientation devient scolaire.
Comment est-t elle mise en place ? Avec quelles fonctions ?

Dans un premier temps, l'orientation est conçue comme un instrument de démocratisation de l'école (1945-1975).
La naissance d'une orientation scolaire résulte de la conjonction de trois éléments convergents. D'une part, à partir des années 1950, une demande scolaire de poursuite d'étude se manifeste, notamment par l'augmentation des effectifs des premiers cycles du secondaire (collèges et cours complémentaires). C'est la première "explosion scolaire".
D'autre part, experts et hauts fonctionnaires, incarnés par des hommes comme Alfred Sauvy et Jean Fourastié, développent l'idée que la prolongation de la scolarisation est une nécessité économique. La modernisation du pays doit pouvoir s'appuyer sur une main-d’œuvre qualifiée (techniciens, ingénieurs, cadres moyens, etc).  
Enfin, à l'issue de la guerre, le projet de démocratisation de l’accès au secondaire qui remonte aux années 1920,rencontre un nouvel écho et s’exprime au travers du Plan Langevin-Wallon (1947) qui repose sur 2 grands principes: les méthodes actives pour la pédagogie et l'école unique pour les structures. Il prévoit également un cycle d'orientation dans le premier cycle du secondaire.
Dès lors deux questions vont se poser: quelles structures mettre en place et comment les réguler ?

La mise en place d'une école moyenne (nommée en France "collège unique") s’effectue en deux trois principales.
Les réformes Berthoin (1959) constitue la première étape. 
La scolarité obligatoire passe à 16 ans. Un cycle d’observation de deux ans (6ème , 5ème ) commun à toutes les sections est mis en place dans le but d’orienter les élèves à la fin de ce cycle vers l’enseignement qui leur convienne le mieux selon leur mérite et non selon leur origine sociale.  
A partir de ce moment, les effectifs du premier cycle progressent rapidement. 
La réforme de 1959 échoue sur un point essentiel : l'orientation. L'entrée en sixième de lycée dépend du milieu social bien davantage que du mérite scolaire. C'est un argument décisif en faveur d'une démocratisation de la sélection. Il apparaît nécessaire d' unifier le premier cycle du secondaire.
La seconde étape est la réforme de Christian Fouchet (1963). Les orientations décisives sont ainsi reportées de deux années, à la fin de la 3ème.  D’autre part, des collèges d’enseignement secondaire (CES) sont mis en place. 
La réforme Haby (1975) constitue l’aboutissement du processus d’unification et de démocratisation en instaurant le collège unique. Les CES et CEG deviennent tous des collèges. L’idée de la réforme est d’orienter les élèves en fonction de leurs aptitudes en fin de 3ème vers l’enseignement général, technique ou professionnel. 
Au terme d'une série de réformes, un véritable système scolaire articulé en trois niveaux (école ; collèges, lycées) regroupant les élèves par classes d’âge est lis en place. Le collège unique (école moyenne) réunit tous les élèves de 11 à 15 ans.
L'orientation devient scolaire. L’école primaire change de fonction:elle  prépare à une poursuite d’études et non plus à une formation complète. L'enseignement secondaire devient le niveau principal d’activité des conseillers et l'orientation devient une question scolaire.Un dispositif complet d’orientation est mis en place: création de l’ONISEP (1970); statut des conseillers (1972); nouvelles procédures d’orientation (1972)

L’orientation dans le système de formation initiale français est déterminée par la manière dont l'école moyenne a été mise en place, comme un  outil de sélection.
La progression de la scolarisation n'est pas homogène selon les milieux sociaux. La « seconde explosion scolaire »  (lycée) s'est faite surtout grâce à la création des bac professionnels (1985).
Le redoublement est un symptôme d'une orientation conçue comme outil de sélection. Environ 30% des élèves ont redoublé au moins une fois. Entre 1993 et 2013, le redoublement baisse fortement, mais inégalement selon l'origine sociale des élèves. Une partie importante des doublements correspond à une stratégie scolaire (accéder à la série S), signe d'une forte sélectivité du système scolaire
Le poids des déterminants sociaux dans l'orientation est très fort. L’origine sociale des élèves détermine les parcours scolaires. le système est très sélectif, produisant un fort échec scolaire et l'enseignement professionnel est fortement connoté socialement. Les parcours des élèves sont aussi déterminés par le genre. Le choix d’orientation est fortement déterminé par le genre, créant un déséquilibre dans la répartition des filles selon les séries. 
Les usages sociaux du système scolaire renforcent les effets des structures scolaires. D'une part, en France, les positions sociales sont déterminées par les concours scolaires. Le lien entre diplôme et position sociale est très étroit (grandes écoles). D'autre part, les familles adoptent des stratégies scolaires adaptées aux objectifs qu'elles visent, contribuant à une hiérarchisation des filières scolaires.
Enfin, une orientation que par l'échec exerçant une pression sélective sur les élèves domine. La crainte de l'orientation est une relation de pouvoir sur les élèves pour gérer le système

Au total, la démocratisation du secondaire est une "démocratisation ségrégative".
L’orientation contribue à la reproduction des inégalités sociales dans l’école. La démocratisation scolaire s’est faite par la hiérarchisation des filières (professionnelles, techniques, générales).