21 juillet 2014

Cours n° 6 - La construction de la notion d'échec scolaire (XIXe-XXe siècles)




Zones d'Education Prioritaire : quel bilan ? - 02 décembre 2004 - Journal télévisé Soir 3



A- Aux origines: le « retard » scolaire

1. La césure originelle : les limites de l’obligation scolaire

Doc. 1: La loi de 1882
« Aux termes de la loi du 28 mars 1882 (art. 4), l'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes de l'âge de six ans révolus à celui de treize ans révolus. Cette période représente l'âge scolaire et marque les limites de l'obligation en matière d'instruction primaire. »  Dictionnaire de pédagogie, 1911


Loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire

Art. 1er.- L'enseignement primaire  comprend :
L'instruction morale et civique ;
La lecture et l'écriture ;
La langue et les éléments de la  littérature française ;
La géographie, particulièrement celle  de la France ;
L'histoire, particulièrement celle de la
France jusqu'à nos jours ;
Quelques notions usuelles de droit et  d'économie politique ;
Les éléments des sciences naturelles  physiques et mathématiques ; leurs  applications à l'agriculture, à l'hygiène,  aux arts industriels, travaux manuels et  usage des outils des principaux métiers ;
Les éléments du dessin, du modelage  et de la musique ;
La gymnastique ;
Pour les garçons, les exercices  militaires ;
Pour les filles, les travaux à l'aiguille.


Doc. 2 : Binet et la notion de retard scolaire

« Beaucoup de maîtres sont dans cette erreur ; ils ont devant eux une classe composée de 40 à 60 élèves, et quelquefois davantage; au moment où ils répandent l'enseignement sur cette petite foule enfantine, ils fixent leur attention sur la valeur de l'enseignement en lui-même, considéré in abstracto, dans l'absolu, et non sur les qualités de réceptivité des enfants, sur leurs caractères et leurs aptitudes, et sur la nécessité de s'adapter à leurs besoins et à leurs capacités.

Leur classe est un troupeau dont ils ne discernent pas les unités. Ils donnent donc le même enseignement à tous, ils les traitent tous de la même manière, par exemple, ceux qui ont de la mémoire et ceux qui n'en ont pas ; ils se préoccupent si peu de toutes ces existences individuelles que souvent j'ai été surpris de constater qu'ils ignorent l'âge de leurs élèves ou qu'ils n'en tiennent aucun compte. Si, sur le même banc, le hasard a rapproché un enfant de neuf ans et un autre de douze ans, ils demanderont à ces deux écoliers le même effort, et les puniront de la même peine pour la même faute, ce qui est une application vraiment injuste de la règle qui veut que la justice soit égale pour tous. »
Alfred Binet, Les idées modernes sur les enfants, 1909, p. 18.


« Rien n'est plus intéressant que de connaître la psychologie de ces cancres ; il faut les examiner l'un après l'autre, savoir pour quelle raison ils occupent ce rang inférieur, si c'est par défaut d'intelligence ou de caractère, et si leur état peut être amendé. C'est une question qui a une grande importance sociale ; et on doit se préoccuper constamment de diminuer le nombre de ces déchets, afin qu'ils ne deviennent pas définitifs. » Alfred Binet, Les idées modernes sur les enfants, 1909, p. 19.



Doc. 3 : L'enfance anormale
Anormaux (Enfants)
La loi du 28 mars 1882 dit dans son article 4 que « l'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ». Mais il est une catégorie d'enfants à qui, jusqu'ici, la loi n'a pas été appliquée : ce sont les sujets qui, soit au point de vue physique, soit au point de vue intellectuel ou moral, ne se trouvent pas dans des conditions normales pour recevoir l'enseignement commun.
Ces enfants, qui ne peuvent être suffisamment instruits à l'école publique par les procédés pédagogiques ordinairement employés pour les élèves pourvus de tous leurs sens et doués d'une intelligence moyenne, sont désignés sous le nom générique d'enfants anormaux.
Ce sont :
1° Les aveugles […]
2° Les sourds-muets […]
3° Les idiots, crétins, imbéciles, épileptiques, hystériques, choréiques, paralytiques, hémiplégiques, etc., ainsi que les imbéciles moraux, sujets atteints de perversion des instincts ; ces enfants, qui ne peuvent être soignés et éduqués collectivement que sous la responsabilité du médecin, sont désignés pour cette raison sous le nom d'anormaux médicaux ;
4° Les arriérés : sujets qui, sans pouvoir être classés dans la catégorie des anormaux médicaux, sont en état de débilité mentale, ne possèdent qu'une intelligence ou qu'une responsabilité atténuées, ne leur permettant pas d'acquérir, à l'école commune et parles méthodes ordinaires d'enseignement, la moyenne d'instruction primaire que reçoivent les autres élèves ;
5° Les instables : enfants affectés d'une incohérence de caractère, d'un manque d'équilibre mental qui leur rendent insupportable la discipline générale et nécessitent absolument leur éloignement de l'école publique.
Ne doivent pas être considérés comme anormaux les enfants qui sont restés plus ignorants que les autres parce qu'ils ont été retardés dans leurs études pour des causes indépendantes de leur état mental, comme par exemple la non-fréquentation scolaire, les absences réitérées, etc.
[…]
Le 29 juin 1908, la Chambre a adopté un projet de loi ayant pour objet la création de classes et d'écoles de perfectionnement pour les enfants arriérés.
Les enfants anormaux cessent donc d'être tenus en dehors des lois scolaires. C'est une ère nouvelle qui s'ouvre pour la réforme ou plutôt pour la création méthodique d'un enseignement national en faveur des enfants qui ont le plus de titres à la sollicitude de la nation. […]
Gustave Baguer, Dictionnaire de pédagogie, 1911





B- L’échec scolaire: un problème politique (1960)

1. L’apparition « paradoxale » de la notion d’échec scolaire



2. Les années 60 et la prééminence de la notion



3. La démocratisation de la réussite scolaire




C- De l’échec scolaire au « décrochage scolaire »


1. Un concept apparu aux Etats-Unis et relayé par l’Union européenne




2. La construction du « décrochage scolaire »


3. La prégnance de l’échec scolaire précoce








Doc. 6 : Les décrocheurs du système éducatif : de qui parle-t-on ?
Un quart des jeunes entrés en 6e en 1995 n’ont pas terminé avec succès leur formation dans l’enseignement secondaire. Ils sont « décrocheurs ». Parmi eux, huit sur dix n’ont pas de diplôme de l’enseignement secondaire et deux sur dix ont un BEP ou un CAP, mais ont échoué dans la formation qu’ils ont poursuivie ensuite.
Les jeunes décrocheurs ont souvent eu des difficultés scolaires et sont souvent d’origine sociale modeste, mais pas tous. On distingue trois grands profils de décrocheurs : des jeunes au faible niveau d’études qui ont massivement redoublé au collège (près de la moitié des décrocheurs) ; des jeunes avec un bon niveau d’études à l’entrée au collège, mais qui échouent au CAP, au BEP ou au baccalauréat (un tiers des décrocheurs) ; et des jeunes qui sont passés par des enseignements spécialisés au collège (section d’enseignement général et professionnel adapté - SEGPA - notamment) (un cinquième des décrocheurs).
Parmi les bacheliers poursuivant des études supérieures, un sur cinq n’obtient pas de diplôme du supérieur. Là aussi, le niveau scolaire et les origines sociales jouent un rôle, mais pas seulement. L’orientation et la situation financière des étudiants semblent également conditionner l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
France, portrait social - édition 2013


Doc. 7 : L'échec de la réforme des programme (2008) du primaire
« Le bilan de la mise en œuvre des programmes met en évidence des éléments conjoncturels :
des difficultés sont liées à la lourdeur des programmes de 2008 rapportée au temps réel de classe. Mais on ne saurait négliger des éléments de fond, récurrents, qui attirent l’attention sur des points de réflexion nécessaires : l’insuffisante maîtrise des fondements disciplinaires et didactiques ; l’inertie de l’entrée en application des nouveaux textes faute de capacité d’analyse, de formation ou d’accompagnement, de ressources ; voire une attitude attentiste eu égard au rythme des changements. » 
Bilan de la mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008, rapport de l’IG, 2013, p. 74.



Prolonger
Antoine Prost, "Comment lutter contre l'échec scolaire ?", L'Histoire magazine, 06/12/2013.
Les Déchiffreurs de l'éducation: Mais enfin qu’est-ce qu’un décrocheur ?
Lydia Ben Ytzhak, Ces élèves qui décrochent, Journal du CNRS, 14.10.2014.
Pierre-Yves Bernard, « Pourquoi considérer le décrochage scolaire comme un problème ? », La Vie des idées, 21 avril 2015. ISSN : 2105-3030.